QUELQU’UN VA VENIR

Le texte qui suit est tiré d’une conférence présentée dans le cadre du colloque: Le son du Théâtre, Montréal (2012) organisé par l’Atelier de recherche sur l’intermédialité et les arts du spectacle (ARIAS) et le Centre de recherches intermédiales sur les arts, les lettres et les techniques (CRIALT).

C’est par le biais de la pièce QUELQU’UN VA VENIR, mis en scène par Denis Marleau, que je vais vous expliquer en quoi consiste les principales étapes de travail de la diffusion des voix selon la méthode de l’amplification vocale. Cette méthode repose sur une longue tradition de recherche qui semble originer en Angleterre. En 1997, j’ai eu l’occasion de faire un stage en comédie musicale à Londres auprès de la compagnie Autograph Sound, puis d’aller aux États-Unis sur Broadway auprès de Tony Meola. À mon retour à Montréal j’ai adapté ce que j’ai observé à Londres et à New York au contexte de production propre au Québec.

La voix a toujours été essentielle pour moi — l’élément audible le plus expressif. J’ai exploré la mienne lors de mes études en théâtre et je l’utilise aujourd’hui parfois dans mes performances d’art sonore. Dans le contexte de mon travail de conception en théâtre, j’ai toujours été obsédée par ce désir de l’amplifier afin qu’elle soit liée au corps de l’acteur. Entendre les voix émaner de haut-parleurs, fortes et puissantes, alors qu’au loin nous apercevons les acteurs comme autant de petits pantins séparés de leur instrument le plus intime — c’est inacceptable !

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Pierre Lebeau et Pascale Montpetit
Photo de Richard-Max Tremblay

La complicité du metteur en scène est indispensable. Sans les préoccupations profondes de Denis Marleau concernant le jeu des acteurs, sans sa rigueur, sans sa perception aiguë des détails et des environnements, jamais la méthode n’aurait connu un tel développement. Il a choisi de me donner des moyens inhabituels dans le contexte de la création théâtrale québécoise et il l’a toujours fait sans douter, ni hésiter.

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Exclusivement consacrés à la diffusion de la voix il y a: 9 haut-parleurs positionnés au cadre de scène, 5 haut-parleurs accrochés au-dessus du public et 4 haut-parleurs au niveau du sol à l’avant scène.

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Chaque haut-parleur est positionné et orienté avec précision de manière à diffuser la voix pour une section spécifique du public.

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Les outils pour l’orientation des haut-parleurs :

— la plaque laser pour déterminer l’orientation horizontale du haut parleur
— l’inclinomètre pour déterminer l’orientation verticale du haut-parleur

Ces photos datent de 2001. Les outils aujourd’hui sont différents, mais les principes demeurent identiques. L’inclinomètre est numérique et le laser y est intégré.

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Au préalable, l’orientation théorique des haut-parleurs est déterminée par une étude de leurs angles de dispersion (horizontal et vertical) à l’aide d’un plan à l’échelle de la salle. L’objectif: couvrir la zone des spectateurs de la manière la plus uniforme possible. Chaque spectateur doit pouvoir entendre la voix amplifiée de manière intelligible et naturelle,  peu importe son siège.

Une fois en salle, ces positions théoriques seront vérifiées et peaufinées lors de la période de mise au foyer (pour employer l’expression de l’éclairage), ou période « d’orientation des haut-parleurs ».

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En voyant les haut-parleurs, tous situés au cadre de scène, vous vous demandez peut-être : comment est-il possible d’éviter un « effet de double » (expression de Daniel Deshays) ? Comment est-il possible d’entendre la voix de l’acteur amplifiée, mais encore reliée à son corps ?

Pour reprendre une autre expression de M. Deshays, je vous dirai qu’il y a un travail technique important à faire pour intervenir sur la non-synchronicité des voix acoustiques et des voix amplifiées. Si rien n’est fait, le spectateur étant plus proche des haut-parleurs situés au cadre de scène entendra la diffusion du haut-parleur avant la voix acoustique située à la bouche de l’acteur sur scène.

Puisque la voix amplifiée atteint le spectateur avant la voix acoustique, il importe d’ajuster ces deux phénomènes, de les synchroniser en introduisant un délai sur la voix émise par le haut-parleur. Ainsi, nous parvenons à créer l’illusion: la voix perçue par le spectateur, à la fois amplifiée et acoustique, provient d’un seul et même endroit, de la bouche de l’acteur sur scène. Les moyens à déployer pour mettre en place ce système de diffusion de la voix sont exceptionnels. Pour l’ajustement des délais, une période de silence complet de deux heures est requise . En général, au cours des productions théâtrales les heures des repas sont allouées au travail du son. [Tout le monde sait que les gens de son n’ont pas besoin de manger!] La compagnie de Denis Marleau dédie environ 4 heures à l’ajustement des délais et à l’orientation des haut-parleurs, en plus des heures des repas… Ensuite, on ajuste les autres haut-parleurs, pour diffuser la musique par exemple.

Les microphones sont discrets, presque invisibles, maquillés, dissimulés dans les coiffures. Il est nécessaire d’assister aux répétitions dès le début du processus de création pour étudier et déterminer les positions préférables en fonction des mouvements de l’acteur, de sa chevelure, de son costume.

Dans ce domaine, les recherches de Claude Cyr (chef son au Théâtre Denise-Pelletier de Montréal) sont remarquables et, à ma connaissance, inégalées en terme d’ingéniosité.  C’est lui qui a conçu les systèmes démontrés dans les photographies ci-après.

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