LES AVEUGLES

LES AVEUGLES est un projet d’installation théâtrale créé au Musée d’art contemporain de Montréal.

Six hommes et six femmes, tous aveugles, partent pour une promenade en forêt. Leur guide s’éloigne pour chercher de l’eau. Il ne reviendra pas. Il meurt silencieusement parmi eux. Ils l’attendent. Et attendent encore. Il fait froid. Ils entendent des bruits étranges difficiles à identifier. 12 aveugles restés en plan en forêt, attendent le retour de leur guide c’est le sujet de cette pièce. La dimension sonore y étant primordiale, ce fut un projet très important pour moi. Il fallait non seulement créer l’environnement sonore de la forêt, mais enregistrer et diffuser les voix.

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Le metteur en scène Denis Marleau aborda la pièce de façon inédite. Tous les personnages étaient des projections d’un visage féminin et d’un visage masculin. Céline Bonnier jouait les six personnages féminins, et Paul Savoie, les six personnages masculins.

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Les personnages de la pièce furent d’abord enregistrés, puis mis en scène par le biais de projecteurs et de haut parleurs. Chaque personnage avait son projecteur et son haut parleur attitré. Nous avons travaillé méticuleusement pour matérialiser de manière crédible  les personnages fantomatiques.

 

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Je me souviens avoir écouté 16 différents modèles d’enceintes en essayant désespérément de trouver celle qui permettrait aux voix de sembler le plus crédibles (naturelles) possible.

Être inventive dans cette reproduction d’une forêt était loin d’être évident. Je tenais à éviter les imitations — qui ne seraient jamais à la hauteur des ambiances entendues et ressenties dans une véritable forêt. À force de recherche et d’expérimentations pour générer tous les sons décrits dans le texte, j’ai trouvé une solution. Une idée qui m’a permis de créer une forêt spécifiquement pour cette production.

L’auteur énumère ainsi les sons réalistes de la forêt :

  • « Murmure d’une mer voisine et très calme contre les falaises »
  • « Une rafale ébranle la forêt et les feuilles tombent »
  • « Le vent s’élève dans la forêt et la mer mugit tout à coup et violemment contre les falaises »
  • « Une rafale fait tourbillonner les feuilles »
  • « Vol d’oiseaux nocturnes qui s’abattent dans les feuillages »
  • « Marche dans les feuillages »
  • « Bruit de pas précipités et lointains dans les feuilles mortes »

De leur côté, comme le démontre ces extraits, les aveugles entendent et décrivent cet environnement d’une façon si poétique que je me demandais comment m’y prendre:

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Je ne voulais pas utiliser des banques de sons préenregistrés sans avoir d’abord identifié un concept global. Il était vraiment important de trouver LA façon d’intégrer tous les sons identifiés dans le texte. Il me fallait trouver la traduction sonore des descriptions très concrètes de l’auteur, traduction qui leur confère une dimension émotionnelle.

Ayant passé des heures à écouter des banques d’enregistrements de sons d’océans, vents, et forêts, j’ai réalisé que bien que différents, tous ces éléments ont quelque chose en commun: les extrêmes. Ils se rejoignent dans les limites des registres aigus et graves. Ainsi, tous les sons envisagés par Maeterlinck pour cette pièce pouvaient être produits par un seul instrument. Situés aux limites du spectre auditif humain, les vents, le vent dans les feuillages et les océans se ressemblent. Leurs différences fondamentales résident non pas dans les fréquences, mais plutôt dans leur enveloppe d’amplitude.

Stimulée par cette trouvaille, j’ai suggéré au metteur en scène Denis Marleau que chaque élément sonore soit accentué dans les aigus ou dans les graves. Cette intervention a homogénéisé l’ensemble des sons et nous a permis de trouver des pistes pour matérialiser les descriptions les plus poétiques, tel le « souffle nocturne d’étoile »! En outre, le texte restait compréhensible quand les effets sonores étaient au plus fort, puisque leurs fréquences se situaient soit au-dessus ou au-dessous des fréquences couvertes par la voix humaine.

Sons réalistes : sons typiques (océan et vent) écoutés en boucle pour en arriver au concept « d’instrument forestier »

Sons produits : océan, feuilles dans le vent, souffle nocturne d’étoile

 

Documents techniques du processus:

Capture d’écran du projet Final Cut.  Le mixage final de tous les effets sonores s’est effectué par le biais de ce logiciel.  Cliquez sur la photo pour voir le détail si désiré.

AVEU-Final-cut

La diffusion des sons et des voix s’effectuait via des lecteurs DVD.  Les sorties (L-R) des lecteurs DVD alimentaient chaque système d’amplification.  Cliquez sur la photo pour voir le détail.

AVEU-Diagramme

AVEU-Detail son diffusion